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A l'occasion de la Journée internationale de la traduction, le 30 septembre, découvrez comment l'OIF collabore avec la Communauté du Pacifique (CPS) autour d'une base de données terminologiques en français et en anglais concernant ses principaux domaines d’intervention : systèmes alimentaires, pêche, géoscience, santé publique et changement climatique… Entretien avec Audrey Roiné, Coordinatrice de la traduction à la CPS.
En quoi le multilinguisme est-il important pour les activités de la CPS, notamment face aux enjeux stratégiques auxquels la CPS et ses États membres doivent faire face ? La diversité linguistique fait-elle écho aux enjeux de biodiversité ?
En pije, l’une des 28 langues kanak parlées en Nouvelle-Calédonie, on dit que « la parole fait vivre le pays » (vi vhalik nyaa pwa motip vi kaemôô). C’est à travers la parole et la langue que s’expriment et se transmettent les notions et connaissances propres à chaque culture. Notre mission, en tant qu’équipe linguistique, est d’assurer la passation de ces notions et savoirs d’une langue et d’une culture à l’autre au sein d’une organisation technique et scientifique intervenant dans plus de 25 secteurs et auprès des populations mélanésiennes, micronésiennes et polynésiennes. Permettre la consultation de ressources en anglais et en français, de même qu’en langues vernaculaires, doit favoriser le partage de connaissances et l’appropriation des idées et actions sur le terrain, de même que faciliter la compréhension du « langage commun de la science ».
De plus en plus visibles à l’échelle mondiale, les répercussions du changement climatique se font sentir de longue date en Océanie avec, entre autres, la relocalisation de villages et de familles. L’intrusion d’eau salée affecte la production agricole vivrière et la biodiversité terrestre. Par ailleurs, face au risque de disparition physique qui le menace, l’État de Tuvalu envisage même de se créer un « jumeau numérique » pour assurer la conservation de ses savoirs culturels
La Communauté du Pacifique (CPS) joue un rôle crucial en agissant sur le terrain, en élaborant des produits de connaissance et en offrant des avis scientifiques fondés sur des données à ses 22 pays membres insulaires, participant ainsi à une prise de décision reposant sur des faits. L’équipe de traduction-interprétation contribue à cet effort en assurant la bonne communication entre les participants aux réunions et les scientifiques de différents horizons ainsi qu’en rendant disponibles, en anglais et en français, des informations scientifiques clés sur notre région.
Par ailleurs, à travers le projet PacLang (décrit ci-après), nous entendons d’une part renforcer la diffusion et l’appropriation des messages dans l’ensemble de la région et, d’autre part, accroître le recueil de savoirs traditionnels en langues vernaculaires, le but étant de renforcer la résilience en croisant données scientifiques et pratiques traditionnelles.
Comment s’incarne selon vous le multilinguisme à la CPS ? Quel est le rôle du service de traduction et comment fonctionne-t-il ?
Composée d’agents originaires de toute l’Océanie et du monde entier, la Communauté du Pacifique est un creuset linguistique et culturel où se retrouve et échange une quarantaine de nationalités, dont la moitié de la région. Travaillant depuis et vers l’anglais et le français, les deux langues officielles de l’Organisation, l’équipe traduction-interprétation de la CPS se compose d’une dizaine de personnes et s’appuie sur un réseau international de prestataires indépendants. Au vu de la taille réduite de notre équipe, chaque personne est amenée à endosser plusieurs casquettes, nos interprètes étant par exemple traductrices lorsqu’elles ne sont pas en cabine. Depuis une vingtaine d’années et l’émergence des outils d’aide à la traduction, notre équipe veille à rester au fait des avancées technologiques et à améliorer sans cesse ses pratiques. Nous utilisons ainsi différents outils d’aide à la traduction visant à faciliter l’accès aux contenus préexistants et à assurer la cohérence terminologique. Nous assurons également une fonction de conseil auprès de nos collègues et veillons à conserver des liens avec les services linguistiques de diverses organisations internationales de premier plan, notamment au travers de la Réunion annuelle internationale sur la traduction et la terminologie assistées par ordinateur (JIAMCATT) et de la Réunion annuelle internationale concernant les services linguistiques, la documentation et les publications (IAMLADP). Le but de ces échanges est de favoriser le partage de ressources utiles et le croisement d’expériences entre professionnels confrontés à des enjeux similaires.
Outre l’anglais et le français, les deux langues officielles de l’Organisation, une multitude de langues sont parlées au sein du personnel. Les langues océaniennes occupent une place de plus en plus importante au sein de nos activités, comme en témoigne le projet sur les langues océaniennes PacLang, qui a pour but d’aider les professionnels de la CPS et de la région à toucher au plus près les populations et à tenir compte des spécificités de chaque pays dans la mise en œuvre de leurs activités. Lancé grâce à un financement à visée spécifique octroyé à la CPS par l’intermédiaire du ministère néo-zélandais des Affaires étrangères et du Commerce (MFAT), le projet PacLang est porté par l’équipe traduction et vise à établir un réseau de prestataires de services en langues océaniennes (traducteurs, correcteurs, interprètes, etc.) et à améliorer l’accès aux informations linguistiques relatives à nos 22 membres insulaires. Notre équipe entend, sous réserve de financements, continuer d’œuvrer à la valorisation des langues océaniennes dans les actions de développement à travers ce projet.
Pouvez-vous présenter le projet mis en place avec le soutien de l’OIF ? Quelle est son utilité pour la CPS et quelle suite est envisagée ?
L’équipe traduction de la CPS est très heureuse d’avoir pu bénéficier du soutien de l’OIF dans le cadre du projet de valorisation de sa base terminologique SPCTerm et d’avoir pu ainsi contribuer au renforcement du français et du multilinguisme au sein de notre Organisation et de notre région. Établie il y a une vingtaine d’années et riche de plus de 12 000 termes, cette base bilingue anglais-français est une véritable mine d’or terminologique qui ne demande qu’à être exploitée. Elle est intégrée depuis fin 2022 à l’outil d’aide à la traduction LogiTerm, qui est mis à la disposition de l’équipe de traduction interne et de nos prestataires externes. Le passage à cet outil nous permet d’envisager un accès élargi à la base terminologique, en premier lieu au profit des équipes techniques et opérationnelles de la CPS pour leurs communications en interne et avec leurs interlocuteurs dans les pays océaniens. À terme, nous souhaiterions rendre SPCTerm publique, sur la Plateforme de données océaniennes fondée et gérée par la Communauté du Pacifique, de manière à partager notre expertise terminologique, notamment en matière halieutique, avec toute personne intéressée de la région et au-delà du Pacifique. Il est, à cette fin, essentiel de vérifier et de garantir la fiabilité et la précision des fiches terminologiques publiées.
Notre charge de travail en interne ne nous permettant pas de nous consacrer pleinement à cette tâche, nous avons procédé au recrutement de Mme Séverine Renaux pour un premier contrat de deux mois visant à dresser un état des lieux, à définir une feuille de route et à conduire les premières actions de nettoyage de la base. L’OIF nous a prêté son soutien financier pour ce recrutement. Outre son travail opérationnel sur la base, Mme Renaux a également mis en place des outils utiles dans la durée pour l’équipe, à travers la création de tutoriels vidéo et la rédaction de bonnes pratiques. En mettant l’accent sur la qualité et l’exhaustivité des fiches, nous entendons nous positionner comme une organisation de premier plan dans le domaine terminologique. Par ailleurs, au vu de l’évolution rapide de notre métier, il est indispensable de faire en sorte que les membres de notre équipe acquièrent de nouvelles compétences, en particulier autour des données, notion clé d’aujourd’hui et de demain.
Il reste encore beaucoup à faire pour perfectionner et enrichir notre base terminologique et nous entendons faire en sorte que perdure la dynamique de création et de validation de fiches insufflée au sein de l’équipe. À titre d’exemple, notre équipe traduit actuellement un manuel sur les techniques de pêches côtières regorgeant de termes spécialisés : grâce à l’appui d’un expert francophone du domaine en interne, plusieurs centaines de fiches détaillées devraient prochainement venir alimenter SPCTerm.
Je tiens à remercier l’OIF pour son intérêt pour ce projet et l’accompagnement tout au long de celui-ci ; l’équipe traduction de la CPS aura à cœur de poursuivre la collaboration entre nos deux Organisations, pour promouvoir et défendre la Francophonie et, plus globalement, la langue et les langues comme vecteur de développement.
Le partenariat OIF-CPS
Pilier majeur de l’architecture institutionnelle régionale dans le Pacifique, la CPS est la principale organisation scientifique et technique au service des populations océaniennes. Elle agit dans les domaines des sciences, du savoir et de l’innovation afin de les aider à concrétiser leurs objectifs et leurs aspirations en matière de développement durable.
La CPS est guidée par quatre valeurs océaniennes : Enginkehlap (faire preuve de générosité), Kaitiakitanga (assumer le rôle de gardien), Gida Gaituvwa (avancer dans l’unité) et Aroha (prendre soin). Forte d’un personnel qui compte aujourd’hui près de 800 agents dans toute la région, elle peut compter sur l’atout majeur que constitue sa diversité, en particulier ses vastes compétences interdisciplinaires et son caractère multiculturel.
Le travail amorcé par la CPS avec le soutien de l’OIF a permis l’obtention d’une base terminologique (SPCTerm) plus fiable, qui pourra, dans le futur, être exploitée de manière optimisée par les traducteurs collaborant avec la CPS, mais aussi par toute personne s’intéressant aux domaines techniques traités et à leur terminologie propre. Une méthodologie de travail et un processus de gestion de la base terminologique, comprenant des tutoriels écrits, des vidéos didactiques et des conseils pour la rédaction de fiches terminologiques ont également été réalisés. Enfin, 4 600 fiches terminologiques ont été traitées et la base terminologique provisoire compte à ce jour 10 937 termes.
La base SPCTerm pourrait désormais être mise à disposition d’un plus large public, en premier lieu des agents de la CPS, puis, dans un second temps, de professionnels de la médiation linguistique de toute la zone océanienne et à toute personne intéressée, par le biais de la Plateforme de données océaniennes de la CPS.